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14 juillet 2019
Droit corporatif

Bon à savoir avant d’être administrateur d’une société par actions

Le conseil d’administration et son rôle

Le conseil d’administration d’une société a pour principale fonction d’assurer une gestion macro adéquate de ses opérations et de ses activités tout en veillant à ce que les intérêts des actionnaires et des parties prenantes de celle-ci soient satisfaits. Passant de l’approbation des objectifs financiers à l’adoption des grandes orientations stratégiques de la société, les administrateurs y jouent un rôle primordial, mais s’exposent à une multitude de devoirs et responsabilités. Nous tâcherons, avec ce billet, de vous brosser un portrait sommaire des différents risques encourus en acceptant le rôle d’administrateur.

Les obligations des administrateurs et dirigeants  

Les lois, tant provinciale que fédérale, édictent des devoirs auxquels doivent satisfaire aussi bien les administrateurs que les dirigeants de sociétés : le devoir de diligence, de loyauté, d’intégrité et de bonne foi. À cet effet, l’auteur Paul Martel cite un court extrait d’une décision de la Cour suprême du Canada :

« [les administrateurs et dirigeants] doivent respecter la confiance qui leur a été accordée et gérer les actifs qui leur sont confiés de manière à réaliser les objectifs de la société. Ils doivent éviter les conflits d’intérêts avec la société. Ils ne doivent pas profiter du poste qu’ils occupent pour tirer un avantage personnel. Ils doivent préserver la confidentialité des renseignements auxquels leurs fonctions leur donnent accès. Les administrateurs et les dirigeants doivent servir la société de manière désintéressée et avec loyauté et intégrité.»[1]

Les risques et responsabilités liés au poste d’administrateur et/ou de dirigeant

Salaire impayé (jusqu’à concurrence de 6 mois)

Que l’administrateur respecte ou non ses obligations légales, il demeure responsable des salaires impayés de ses employés si l’entreprise devient insolvable, jusqu’à concurrence de six mois de salaire impayé par employé. Seront calculés dans le salaire impayé : les vacances, les congés, les commissions, les heures supplémentaires, les cotisations syndicales, les primes, les remboursement de dépenses ainsi que les avantages sociaux.

Retenues fiscales ou DAS & TPS / TVQ

Toute entreprise faisant affaire au Québec et qui emploi des salariés a l’obligation de retenir divers montants sur les salaires de ses employés dont notamment des déductions quant à l’impôt, l’assurance-emploi, les pensions du Canada, les rentes du Québec, les normes du travail, l’assurance-maladie et l’assurance-parentale, en plus de la remise de ces montants aux organismes concernés. Si la société omet de verser aux gouvernements ou déduire ces montants, les administrateurs en sont solidairement responsables de même que des intérêts et pénalités s’y rapportant. Le même principe est applicable pour la TPS/TVQ impayée.

Loi sur la qualité de l’environnement (art.115.40 LQE)

La LQE crée une présomption selon laquelle dès qu’une société est trouvée coupable d’une infraction à la loi, les administrateurs et dirigeants de celle-ci sont présumés coupables de cette infraction. Une des seules chances d’exonération est la preuve d’une diligence raisonnable à cet égard.

En outre, dans le cas où un ministère de l’environnement ordonnait à une entreprise, par exemple, d’accomplir un acte pour protéger l’environnement, l’inexécution par cette entreprise entraînera la responsabilité personnelle de l’administrateur de défrayer les coûts nécessaires pour la réalisation des travaux. Ceci vaut tout aussi bien pour les dirigeants d’entreprise.

Loi sur la santé et sécurité du travail (art. 241)

Dans l’éventualité où l’entreprise agit de manière à compromettre directement et sérieusement à la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur, cette dernière est en infraction selon la loi. Ainsi, tout administrateur, dirigeant ou employé qui a « prescrit ou autorisé l’accomplissement de l’acte ou de l’omission qui constitue l’infraction ou qui y a consenti est réputé avoir participé à l’infraction ». Cette personne peut donc être poursuivie et trouvée coupable, et ce si l’entreprise fut ou non poursuivie ou déclarée coupable.

Loi sur les valeurs mobilières (art. 205)

Le dirigeant, l’administrateur ou le salarié de l’entreprise qui contrevient à cette loi, en octroyant des actions de son capital-actions à des personnes qui ne respectent pas les qualifications requises d’investisseur, par exemple, peuvent, s’ils autorisent ou permettent telle infraction, être responsables personnellement des mêmes peines que l’entreprise elle-même.

Loi antipourriel (art. 31 et 52)

Dès que votre entreprise envoie des messages électroniques commerciaux, soit un message dont un des buts est d’encourager le destinataire à participer à une activité commerciale, vous devez vous conformer à la Loi antipourriel. En contrevenant à cette loi, les administrateurs, les dirigeants, les agents et les mandataires d’une société sont responsables personnellement de cette violation s’ils l’ont ordonnée, autorisée, acceptée, consentie ou y ont participé. Pour un particulier, l’amende peut atteindre 1 million de dollars.

Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (LPRPS) (art. 93)

À partir du moment où votre entreprise collecte des données personnelles à l’égard d’une personne physique, elle doit se conformer à la LPRPS. Si une infraction est commise, ladministrateur, le dirigeant ou le représentant de l’entreprise qui a prescrit, autorisé ou consenti à l’infraction peut voir sa responsabilité engagée et des pénalités lui être imposées.  

Cautionnement personnel de l’administrateur

Si vous devez cautionner un emprunt ou toute autre obligation, il serait préférable d’indiquer au prêteur que vous le faites à titre d’administrateur ou de dirigeant de l’entreprise et non en votre qualité personnelle. Vous pourrez alors tenter de négocier que ce cautionnement cesse dès que vous quittez vos fonctions. Ainsi, lorsque vous cesserez d’être administrateur ou dirigeant, il vous sera plus facile de mettre fin dans un même temps au cautionnement consenti.

Être membre d’un comité consultatif ou aviseur

Une façon d’éviter les responsabilités liées aux fonctions d’administrateur et de dirigeant est la mise en place d’un comité consultatif ou aviseur duquel vous ferez partie. Ce comité devra être purement consultatif et ne devra d’aucune manière être décisionnel. Afin de ne pas être des « administrateurs de fait » les membres du comité ne pourront pas, par exemple, signer de chèque, de résolution, de contrat ou embaucher ou congédier des employés. Vous serez donc en mesure, en tant que personne indépendante, de fournir des conseils externes et objectifs à l’entreprise sans toutefois devoir assumer une multitude de responsabilités et obligations.

Des conseils pratiques avant de dire oui!

Avant d’accepter un poste d’administrateur et tout au long de votre mandat, vous aurez avantage à notamment :

  1. Comprendre l’environnement juridique de l’entreprise.
  2. Prévoir une indemnisation par laquelle la société s’engage à rembourser l’administrateur des sommes qu’il a dû débourser pour toutes poursuites visant sa responsabilité; elle se retrouve souvent dans les règlements généraux des sociétés.
  3. Obliger la société à souscrire à une police d’assurance-responsabilité pour les administrateurs et les dirigeants (« D&O »).
  4. Utiliser la possibilité de s’exonérer de sa responsabilité potentielle à l’égard d’une décision du conseil d’administration via l’inscription de sa dissidence de l’administrateur. Celle-ci doit être consignée par écrit au procès-verbal du conseil.
  5. Demander des preuves de paiement trimestrielles notamment des DAS, TPS, TVQ et D&O.
  6. Chercher une expertise à l’externe dans l’éventualité où l’administrateur constate qu’il ne possède pas cette expertise ou les connaissances adéquates pour prendre une décision d’importance.
  7. Mettre à jour votre statut auprès du Registraire des entreprises du Québec et de Corporations Canada, le cas échéant, lorsque vous cessez d’être administrateur ou dirigeant de la société.

Les exemples ci-dessus peuvent servir à démontrer la diligence si vous êtes personnellement poursuivi dans le cadre de vos fonctions d’administrateur ou de dirigeant.

Pour prévenir toutes difficultés à ce niveau, contactez-nous :

 

Ce billet n’est pas un avis ou un conseil juridique et ne doit pas être interprété comme tel.

[1] Paul MARTEL, La société par actions au Québec, les aspects juridiques, Éditions Wilson & Lafleur, Martel Ltée, Montréal, Janvier 2017, par.23-154.

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