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17 août 2020
Droit corporatif

Rheabrio : Un modèle de gouvernance solo

4 questions à un entrepreneur : échange avec Louise Bernard, PDG de Rheabrio

Le 19 mai dernier, nous avons eu la chance de discuter avec Louise Bernard, PDG de Rheabrio une entreprise innovante qui se spécialise dans le développement et la vente de masques de protection et d’accessoires de confort pour l’apnée du sommeil. Leur produit phare, le Facembrace, est une membrane qui se glisse parfaitement entre la peau et un masque respiratoire utilisé pour le traitement de l’apnée du sommeil (CPAP). Cette seconde peau aux matériaux légers et au design ergonomique s’adapte à la majorité des masques respiratoires afin de protéger la peau et les yeux des inconforts.

Au printemps 2020, pour répondre à la crise sanitaire et à l’urgent besoin en masques de protection, Louise Bernard et son équipe ont développé un masque lavable sans couture qui combine des matériaux synthétiques biocompatibles et ultraminces à filtration supérieure. Qu’est-ce qui lui a permis de pivoter si vite dans un contexte de crise ?

Lors de notre rencontre avec Louise, nous avons eu la chance d’aborder le thème de la gouvernance d’entreprise et d’en apprendre davantage sur sa vision de celle-ci.

Conseil d’administration ou comité consultatif?

D’abord, il faut comprendre qu’au Québec, de manière générale, les entreprises constituées en société par actions sont gouvernées et contrôlées par un conseil d’administration. Celui-ci est composé d’un ou de plusieurs administrateurs élus par les actionnaires. Le rôle des administrateurs est de veiller au bon fonctionnement de l’entreprise et d’adopter les grandes orientations stratégiques de la société. Chez Rheabrio, le conseil d’administration est constitué d’une seule administratrice : Louise Bernard elle-même. Est-ce dire qu’elle dirige seule cette entreprise? Bien sûr que non !

La PDG de Rheabrio a opté pour un modèle de gouvernance à administrateur unique d’entreprise en choisissant d’être épaulée par un comité consultatif plutôt que par un conseil d’administration « traditionnel ». À l’inverse du conseil d’administration, le comité consultatif est composé de plusieurs personnes choisies par Louise pour agir à titre de stratèges et de consultants. Bien qu’ils puissent donner leur avis sur les orientations stratégiques de la société, ils n’exercent pas de contrôle sur celle-ci et les décisions restent ultimement prises par le conseil d’administration, donc par Louise seulement.

Les avantages d’un comité consultatif

Son choix a été motivé par ses nombreuses années d’expérience, mais aussi par un désir d’être conseillée et entourée par des personnes complètement indépendantes de sa société, mais en gardant le dernier mot sur toutes les décisions relatives à celle-ci.

Le mode de gouvernance choisi par Louise Bernard était d’abord intimement lié à la nature même de l’entreprise à ses débuts : une start-up. À ce stade de développement d’une entreprise, le financement se fait en plusieurs rondes d’investissement. Dans plusieurs cas, les investisseurs vont exiger qu’un de leurs représentants siège sur le conseil d’administration, ce que voulait éviter Louise Bernard à l’époque. En effet, il peut être difficile pour ces représentants d’avoir le recul nécessaire pour bien conseiller la société à titre d’administrateur, et ce, indépendamment des intérêts de la personne qu’ils représentent.

Pour l’avoir vécu, Louise Bernard trouve que ce contexte est moins favorable pour discuter sans réserve des problématiques et des réels enjeux d’une entreprise en démarrage.

De plus, pour un(e) entrepreneur(e) ayant des compétences dans un domaine très technique, comme Louise Bernard (qui est designer industriel), il n’est pas évident de laisser d’autres personnes gérer son projet. Ceux-ci n’ont pas nécessairement la même vision ni les mêmes compétences que l’entrepeneur(e).

Pour Louise Bernard, il est plus facile d’échanger avec les membres d’un comité consultatif, même si certains d’entre eux sont également actionnaires de l’entreprise et peuvent avoir des intérêts légèrement différents. Elle voit ce comité comme un forum évolutif et cela lui permet d’avoir des gens qui sont là pour l’aider, et non pas pour exercer un contrôle sur son entreprise, puisqu’elle les choisit minutieusement pour leurs qualités et non seulement pour l’aspect financier qu’ils peuvent lui apporter.

D’ailleurs, en ayant choisi un mode de direction à administrateur unique, Louise Bernard s’est assuré de protéger toute personne des responsabilités personnelles qui incombent aux administrateurs d’une société par actions.

Malgré l’efficacité de son modèle de gouvernance, il reste que Rheabrio est une entreprise en constante expansion. Ainsi, Louise Bernard se questionne sur l’avenir de celle-ci et sur les changements que de prochains financements pourraient avoir sur son modèle de gestion. Doit-elle accepter que de futurs investisseurs deviennent membres de son conseil d’administration ? Dans tous les cas, elle a toujours réussi à mener l’entreprise dans la bonne direction et si elle doit en arriver à cette étape, il n’y a aucun doute qu’elle ne laissera rien au hasard dans le choix de ses partenaires. Après tout, pour elle, la gouvernance d’entreprise, c’est aussi savoir bien s’entourer.

Pour en apprendre davantage sur le modèle de gouvernance de Rheabrio ou sur leurs produits innovants, écoutez la version intégrale de l’entrevue en balado ici.

Par Me Léa Psenak et Me Frédéric Letendre

Crédit photo : Olivier Pontbriand, La Presse

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